L’industrie de la musique et les commandites
Tendances en musique
Les marques ont compris depuis longtemps que la musique a la capacité de créer des liens émotionnels avec le public. En ce qui concerne les dépenses de commandite, la musique arrive d’ailleurs au deuxième rang, juste après le sport.
La commandite et le marketing n’ont pas toujours été vus d’un bon œil dans le monde culturel de la musique, mais de nos jours, les événements musicaux accueillent les marques beaucoup plus favorablement. Ces dernières utilisent les possibilités de la commandite pour exploiter la passion des consommateurs pour la musique au moyen de diverses expériences qui permettent d’atteindre des objectifs souvent beaucoup plus efficacement que les autres outils de communication.
Cela dit, la période de changement rapide que traverse actuellement l’industrie de la musique peut avoir un impact sur la façon dont les marques abordent les partenariats. Explorons maintenant les tendances qui touchent l’univers de la musique – des festivals, aux spectacles sur scène, en passant par les salles de concert.
Les festivals et les événements
Le Fyre Festival n’est pas le seul événement du genre à avoir connu une fin brutale ces dernières années. La liste des grands disparus est longue et comprend des festivals importants et bien établis, comme le FYF Fest, le Lost Lake Festival, le Monolith Festival, le Riot Fest, ainsi que le festival canadien Squamish Valley Music Festival de Pemberton.
Certains de ces événements n’ont duré qu’une année, et d’autres n’ont simplement pas réussi à livrer leur première édition et ont été annulés quelques jours, voire quelques heures avant leur coup d’envoi. On compte parmi ceux-ci le festival belge VestiVille (un Fyre Festival 2.0), le InCuya Music Festival, le XO Music Festival de la région de la baie de San Francisco, le Roxodus, au Canada, sans oublier la pitoyable tentative de faire revivre Woodstock pour son 50e anniversaire.
D’autres événements ont annoncé une pause (définitive?), comme le Panorama (AEG) de New York, le Grandoozy (Superfly) de Denver, ainsi que les festivals ontariens Field Trip de Toronto et WayHome d’Oro-Medonte.
Pour ce genre d’événements, ce cycle de vie n’a rien de nouveau. Il s’est produit la même chose il y a une dizaine d’années, en 2008-2009, alors que la crise financière qui faisait rage a fait chuter les revenus de la vente de billets et des commandites, puis entraîné la disparition du Mile High Music Festival de Denver, du Vegoose de Las Vegas et du Bamboozle du New Jersey, entre autres événements.
Les promoteurs doivent trouver des partenaires d’affaires pour mettre sur pied des festivals avec une structure de coûts solide et des marques qui souhaitent établir une relation à long terme avec un événement et son public. Cependant, l’instabilité des festivals séduit rarement les investisseurs.
Les festivals et les facteurs économiques
L’industrie de la musique est maintenant revenue à son point culminant de 2006, avec des revenus de 43 milliards de dollars. Si la façon de consommer de la musique a radicalement changé, la structure regroupant maisons de disques, distributeurs de musique et promoteurs de concerts demeure la même.
Les artistes perçoivent environ 12 % des revenus de la musique, une part en croissance grâce à l’activité des concerts.
Les concerts sont la principale source de revenus pour la moyenne des musiciens aux États-Unis, et les festivals de musique forment actuellement l’un des secteurs les plus lucratifs de l’industrie du divertissement. Alors que les ventes de musique sur support physique sont à leur plus bas en raison de la prévalence des plateformes de diffusion de musique en continu, de plus en plus de gens achètent des billets de spectacle.
Rien qu’aux États-Unis, 32 millions de personnes (environ 10 % de la population) assistent à des festivals chaque année. Au Royaume-Uni, près de 4 millions de personnes (soit 6 % de la population) affluent annuellement vers les sites des festivals.
Les grands festivals représentent un marché important, mais difficile à contrôler. Les aspects économiques liés à l’organisation d’un grand festival sont complexes. De nombreux facteurs peuvent avoir une incidence négative sur la vente de billets, notamment la programmation, la concurrence, la période de l’année et, dernier facteur, mais non le moindre, la météo.
Comme les producteurs d’événements perçoivent environ 2 à 3 % du prix des billets, leur marge de profit est assez faible. Par exemple, le festival Glastonbury au Royaume-Uni a déclaré un bénéfice de 50 pence par billet vendu sur un chiffre d’affaires de 37 millions de livres sterling en 2014.
La chute et la faillite récentes du festival Roxodus jettent un peu de lumière sur la dure réalité de l’économie des festivals : les dépenses concernant la promotion, la nourriture, la billetterie, la sécurité, les installations scéniques, l’équipement, l’audiovisuel, l’éclairage, les installations sanitaires, l’hébergement des personnalités et des artistes et surtout, le cachet des vedettes, peuvent frôler les millions dollars, et même atteindre très rapidement des dizaines de millions de dollars.
Les festivals ont à la fois besoin de ressources financières importantes et de promoteurs expérimentés pour mener à bien leur projet. Quand un nouvel événement disparaît, c’est souvent que ces deux éléments lui manquaient.
Les grands acteurs des grands festivals
De plus en plus d’acteurs majeurs de l’industrie américaine des événements musicaux, comme Live Nation, Anschutz Entertainment Group (Goldenvoice) et Endeavor (WME) se regroupent.
Live Nation (NYSE: LYV) est le plus grand producteur mondial de divertissement en direct. Il détient et produit plus de 60 festivals et participe à des événements majeurs comme Bonnaroo, Sasquatch!, Lollapalooza et Austin City Limits. Pour sa part, AEG est propriétaire de Goldenvoice, qui organise 11 festivals, dont Coachella.
De nombreux événements existants se sont associés à de grandes entreprises de production musicale pour réduire les risques financiers associés à la hausse des coûts, à la concurrence et aux aléas de l’industrie.
En plus de produire des événements, ces entreprises s’occupent de la gestion des talents, des salles de concerts et de la vente de billets. Par exemple, Ticketmaster fait maintenant partie de Live Nation Entertainment à la suite d’une fusion réalisée en 2010. Le secteur des billets génère la plus grande part des revenus d’entreprise.
Et pendant que les filiales de gestion des talents de Live Nation perdent de l’argent, le nombre d’artistes qui signent des contrats augmente. L’intégration avec le volet concert de l’entreprise est ce qui rapporte le plus. Combinée à une liste importante de grands événements, de salles de spectacles et de billetteries, cette intégration entraîne un plus grand pouvoir d’achat et de négociation, et des ententes exclusives pour les artistes en vedette.
Du point de vue du partenariat, cela peut faciliter la conclusion d’un accord avec un certain nombre de propriétés dans le cadre d’un contrat unique – une chose qui aurait été difficile à obtenir de manière individuelle. Par exemple, RBC, la plus grande banque au Canada, a signé un accord avec Live Nation (qui prétend détenir plus de 1 000 artistes permettant de joindre plus de 93 millions de personnes) pour lancer le programme RBCxMusique. Toutefois, si ces ententes générales offrent un large éventail d’avantages et de forfaits de billets, elles pourraient ne pas offrir le même niveau de granularité qu’une négociation individuelle, et donc, ne pas convenir à toutes les marques.
L’hypercommercialisation
Même si le secteur des concerts en direct ne cesse de croître, certains signes montrent que le festival d’été de grande envergure commence à perdre des plumes : le festival Bonnaroo du Tennessee a connu une baisse de fréquentation de 38 % en 2016, tandis que le festival Sasquatch! dans l’État de Washington a perdu 50 % de son public. La déconfiture du FYF Fest soulève aussi des préoccupations en ce qui concerne la vitalité des grands événements musicaux. Une étude de 2016 sur l’industrie des festivals au Royaume-Uni a prédit que « les coûts toujours plus élevés liés à la sécurité et aux infrastructures ainsi que la forte concurrence pour la vente des billets » entraîneront la disparition de plus de 10 % des événements.
Les regroupements commerciaux décrits plus haut pourraient également nuire au secteur des festivals. Le site Pitchfork s’est penché sur la programmation des plus importants festivals en 2016 et 2017 et a constaté une grande homogénéité quant aux artistes à l’affiche dans l’ensemble des événements. Par exemple, le Boston Calling Music Festival a partagé 40 % de sa programmation avec le Governors Ball de New York, Bonnaroo au Tennessee et Coachella en Californie, ce qui a amené le site Pitchfork à décrire le Boston Calling comme le moins original des 19 plus grands festivals du pays. Le groupe OutKast, qui s’est produit dans plus de 40 festivals en 2014, dont Coachella, Bonnaroo, Summerfest, Lollapalooza et Austin City Limits est un autre exemple.
Des événements tels que le Vans Warped Tour (qui a tiré sa révérence après l’édition de 2019), Lollapalooza et le désormais disparu Edgefest faisaient autrefois de gigantesques tournées estivales dans plusieurs villes. Aujourd’hui, tous les principaux marchés et même de nombreuses petites villes tiennent un festival de musique, mais peu réussissent à se démarquer des autres par leur programmation ou leur identité. Une réalité qui a contribué à lancer le débat sur la saturation de l’industrie.
Le fait d’avoir le soutien d’une grande société de production est un atout majeur, mais cela peut aussi nuire à la diversité du contenu. Les fondateurs de Bonnaroo ont d’ailleurs soulevé ce point : « Le festival Bonnaroo a un peu perdu sa ligne directrice et le rôle de conservateur qu’il avait dans le passé. Nous cherchons donc ouvertement à lui redonner sa vision. » Toutefois, Live Nation a racheté la part minoritaire restante de Bonnaroo, ce qui a mis fin à la participation des fondateurs dans l’événement.
La hausse des commandites de salle de concert de moyenne envergure
Bien que de nombreuses grandes salles de concert accordent des droits nominatifs à leurs partenaires, très peu de salles de taille moyenne le font. Pour les marques, c’est une belle occasion de se faire remarquer dans un espace inoccupé. Pensez aux concerts dont vous gardez les meilleurs souvenirs. Était-ce des spectacles intimes donnés par des artistes avant qu’ils ne soient vraiment connus ou des concerts à grand déploiement?
Les petites salles, qui ne sont pas sans rappeler les festivals indépendants, ont une programmation plus distinctive. Elles attirent les amateurs de différents genres musicaux et sont un moyen efficace de toucher un large public. En outre, ces salles permettent généralement de tenir plus de 200 jours de concerts par année pour atteindre un public global de plusieurs centaines de milliers de personnes. Les commanditaires à qui les petites salles de spectacles accordent des droits de dénomination profitent aussi souvent de l’attention des médias et des efforts promotionnels des producteurs d’événements. La présence des marques dans de telles salles peut s’avérer une bonne stratégie de cheval de Troie dans un marché encombré – et ce, pour une fraction du coût.
L’équilibre des genres
Le mouvement #MoiAussi a également contribué à attirer l’attention sur la disparité entre les sexes dans le milieu des festivals. Les données compilées par le site Pitchfork en 2017 pour l’ensemble des festivals américains ont révélé que les programmations comptaient 74 % d’hommes, 14 % de femmes et 12 % de groupes mixtes.